
Comme je suis actuellement en Bretagne, je diffuse à nouveau ce texte, datant d’il y a quelques années. Je n’écris pas toujours des textes charmants.
Voici :
Bretagne
Incroyables enclos paroissiaux. Incroyables églises. Incroyables ossuaires.
Incroyable liste de noms propres gravés dans le marbre, sous la statue du soldat qui court dans le vent glacial de Verdun, juste avant d’être fauché par une rafale allemande tirée presque à bout portant par un Franz de vingt ans, terrorisé lui aussi et qui mourra une heure plus tard par un gaz moutarde plus anonyme.
Ma fille me demande des explications. Morts pour la patrie ?
Regarde bien cette monstrueuse liste de noms; ce sont ceux qui ne sont pas revenus. Et le village était plus petit alors, donc imagine bien le monceau de douleur que représentent ces hommes, presque tous ceux qui habitaient là, qui ne-sont-pas-revenus !
Regarde bien la statue. Le vent, l’étoffe réglementaire qui flotte, le bruit enivrant de la cannonade, l’odeur de la poudre. Un vrai film, un héros, le champ d’honneur !
N’oublions pas ces statues jamais fondues; celle de Loïc, tout juste vingt-trois ans, assis dans la boue, devant sa gamelle froide, les yeux rivés sur la photographie de Soizic. Loïc qui en une seconde, sans vent, sans comprendre, meurt par un obus de quatre-vingt tiré par son camp, une erreur qui arrive quand on sert une cause qui nous dépasse, mon bon Monsieur. Ça n’est pas une mort héroïque ça, il y a des morceaux de vous éparpillés partout, et la photo de Soizic, gardée au chaud près d’un coeur qui ne battra plus, finit dans la boue froide du champ de malheur.
Soizic, elle, continuera à vivre dans son petit village breton. Elle finira par épouser un autre homme, plus chanceux ou plus gradé, qui, lui, sera revenu de cette boucherie avec un ou deux membres en moins mais vivant, mon bon Monsieur, vivant ! Elle pleurera le jour où on enlèvera le drap blanc de la statue, comme toutes les Soizics de son village pleurant les Loïcs, les François, les Marius, les Franzs.
Et le soir, tous les soirs du reste de sa longue vie, elle hurlera de douleur silencieuse dans son lit parce qu’on lui a pris son seul amour, pour une cause incompréhensible, dans son petit village breton, à l’aube de ses dix-neuf ans.
Si vous souhaitez ressortir de ce texte avec de la musique et entendre ma voix, en douceur, je vous propose cette chanson : https://youtu.be/SfPaBB71yDY?si=B8kGuAVrkABYi97U
Si vous voulez écouter toutes mes chansons, c´est ici; je ne compose pas que des chansons charmantes : https://mx3.ch/oliviertolbiac
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Et, la lecture passée, n’hésitez pas à me laisser vos impressions dans les commentaires; je vous lirai avec plaisir.


